L’expression “Small is beautiful” est de Leopold Kohr, un de ses élèves l’a donné comme titre à l’un de ses livres et l’expression est devenue célèbre.
Le livre de Kohr c’est “l’effondrement des puissances” (1950). Il commence à dater mais il reste, justement, très puissant.
Tout son propos se résume facilement : à partir d’un certain seuil plus rien ne marche bien.
Et de nous l’expliquer dans tout son livre, exemples à l’appui, des arguments politiques, des arguments culturels, des arguments philosophiques, tous les sujets sont concernés, la grande taille, la trop grande taille génère un appauvrissement intellectuel, une violence exacerbée (une petite guerre dure moins longtemps et est moins violente, qu’une grande guerre), un appauvrissement de la pensée. Dans un petit état la tyrannie ne peut pas avoir la violence d’une tyrannie dans un grand état. Dans un petit état les artistes peuvent nous adresser des réponses à notre vie comme ils l’entendent, dans un grand état ou tout est segmenté et le sens se perd, ou tout est collectif, et plus rien n’est accessible à l’artiste, etc, c’est moins possible.
On retrouve dans toutes ces explications les sources, ou du moins un concomitance, de certaines réflexions de Nassim Taleb sur les cités états. On regarde d’un œil neuf nos limites numéraires : les dynamiques d’équipes qui ne marchent plus au delà de 9 personnes, les départements, ou villages, qui se scindent entre 150 et 200 (Nombre de Dunbar), etc.
Alors oui c’est le retour du localisme, à la proximité, aux énergies compréhensibles et actionnables.
Et oui le livre est un peu daté dans certaines de ces réflexions, mais il faut aussi le lire comme celui d’un autrichien truculent et rigolo au sortir de la deuxième guerre mondiale. Une autre de ces explications : si Adolf Hitler avait emporté son élection en Bavière (ou ailleurs je ne sais plus), il aurait été le dictateur de la Bavière et jamais ce dictateur mondial.
Il me trouble de deux façons.
La première c’est l’Europe, en lisant son livre, moi, un européen convaincu, je suis pris à douter “mais alors…”. Et voilà qu’il y vient – nous sommes au début de l’Europe, et il semble que la France demande plus de sièges que les Pays-bas ou la Belgique –. Quelle est sa proposition, tout simplement le féderalisme de collectivités locales. A la France qui demande 22 sièges, il dit d’accord, mais pas 22 sièges centralisés à Paris, mais 2 par région, et chaque région vote en tant que région, et ainsi pas nécessairement comme la France, mais peut-être comme la Lombardie et la Flandre.
Je retrouve toute une énergie propre à la sociocratie, l’holacratie, ou encore la démocratie liquide. Cela ne ressemble à aucune de ces trois formes, mais j’y trouve une énergie similaire, faites d’un assemblage de pleins de choix locaux pour générer quelque chose qui nous englobe.
On pense aussi à toutes ces pensées de Illich sur l’intérêt de la proximité des choses (il fait la préface du livre).
La seconde c’est le capitalisme. Il est de bon ton, et très justifié il me semble, de décrier la capitalisme. Là aussi il y répond : aucun problème avec le capitalisme. Le problème c’est quand on dépasse un seuil, quand quelque chose devient trop puissant. Avec d’autres mots, le problème n’est pas le capitalisme mais quand le capitalisme n’est aux mains que de certains. Le problème n’est pas amazon, mais de n’avoir qu’un seul amazon mondialisé, si nous avions, si j’en crois Leopold Kohr, une centaine de amazon à travers toutes la planète, ou plutôt même des milliers, aucun souci. C’est parce qu’il n’y en a qu’un, centralisé, tout puissant, que tout s’effondre.
Naturellement on pense mastodon versus twitter, etc.
Le livre regorge aussi de petits traits d’humour, il a du être un grand conférencier, plein de punch lines.
Ne soyons d’ailleurs pas trop optimistes (mais qui l’est actuellement ???), pour lui nous ne résisterons pas à cette folie des grandeurs. Il donnait ces préconisations pour ouvrir le chapitre 11 : “Cela sera-t-il fait ?”
Voici l’intégralité du chapitre 11 :
Et les 75 ans depuis ce livre lui ont donné raison.
Mais il n’est jamais trop tard pour essayer, pour changer (le 1er décembre le trou de la couche d’ozone a été complètement comblé).